Montréal et Québec, le 10 décembre 2015 – Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) dénonce vivement les tactiques employées par les propriétaires spéculateurs qui jettent leurs locataires à la rue dans le but de maximiser leurs profits. À chaque année, des centaines de ménages locataires perdent leur logement suite à une procédure de reprise ou d’éviction. Le RCLALQ qualifie ces recours d’atteintes graves aux droits des locataires et se questionne sur l’inaction du gouvernement en matière de protection des locataires.
« La Régie du logement autorise de telles dispositions dans la loi mais le problème est que celles-ci sont détournées de leurs fins afin d’assouvir la soif de profits des spéculateurs immobiliers » a déclaré Isabelle Monast-Landriault, porte-parole du RCLALQ. Afin d’attirer l’attention sur la tragédie que vivent les ménages locataires jetés à la rue, le RCLALQ s’est déplacé devant des immeubles où des reprises et des évictions de mauvaises foi ont eu lieu à Québec et Montréal pour une conférence de presse conjointe.
Trop facile de se débarrasser des locataires
Reprises
À Québec, trois immeubles ayant fait l’objet de reprises de logement ont été visités. Les locataires habitaient leur logement depuis longtemps et payaient un loyer raisonnable. « Que ce soit pour convertir en condo, augmenter les loyers, se construire un cottage luxueux ou opérer un gîte touristique, les propriétaires ont la voie libre pour se débarrasser de locataires qui ne s’insèrent pas dans leur plan d’affaire », selon Nicole Dionne du Bureau d’information et d’animation logement de Québec.
La compilation annuelle du RCLALQ montre que ce sont très souvent des locataires de longue date qui sont jetés à la rue. Selon les données de 2015, la moitié des locataires du Québec ayant reçu un avis de reprise ou d’éviction habitaient leur logement depuis au moins 10 ans et payaient un loyer moyen de 570$. Pressés de réaliser des profits astronomiques, ce sont surtout les nouveaux propriétaires qui n’hésitent pas à évincer leurs locataires : près du quart des propriétaires pressés d’évincer leurs locataires cette année possédaient leur immeuble depuis quelques mois, et près de la moitié de ces propriétaires depuis moins de 3 ans.
Évictions
À Montréal, la conférence de presse s’est déroulée dans la Petite Patrie devant un immeuble de la rue Marquette où les 6 ménages locataires ont été évincés sous le prétexte d’un agrandissement. En 2014, l’immeuble change de main et le nouveau propriétaire rencontre aussitôt les locataires pour leur ordonner de partir. Face à leur opposition, il se procure un permis d’agrandissement à l’arrondissement et se rend à la Régie du logement. Les doutes soulevés sur la véracité du projet se butent à un tribunal complaisant qui autorise l’éviction de tous les locataires. Évidemment, le propriétaire n’a pas réalisé son projet; l’immeuble compte toujours 6 petits logements, mais les loyers ont été doublés. Le propriétaire occupe actuellement l’un de ces logements.
« Le comité logement accompagne ces locataires depuis le début et nous sommes scandalisés de la facilité qu’ont les propriétaires à évincer les locataires sans que personne ne vérifie les prétextes qu’ils mettent de l’avant. Complaisance de l’arrondissement et de la Régie du logement, laxisme des lois : aucune instance ne peut ou ne veut traquer les fraudeurs », nous dit Martin Blanchard du Comité logement de la Petite Patrie.
Le phénomène de l’éviction pour agrandissement substantiel, subdivision ou changement d’affectation menace grandement les locataires. Selon Isabelle Monast-Landriault, « ces évictions forcées sont trop facile à obtenir. Avec pour seule preuve une demande de permis à la municipalité, la Régie du logement autorise l’éviction sans jamais vérifier si le projet sera réalisé ou non. Les intentions des propriétaires ne sont pas questionnées et la procédure se déroule en un clin d’œil ». « Il existe une mince possibilité de poursuivre un propriétaire frauduleux, mais un lourd fardeau de preuve repose sur les épaules des locataires car la bonne foi du propriétaire est présumée par le tribunal » ajoute Martin Blanchard.
Le ministre responsable de l’habitation se doit d’intervenir
La loi ne manque pas d’imagination pour permettre aux propriétaires de jeter des locataires à la rue n’ayant commis aucune faute, mais rien n’est fait pour vérifier le bon usage de ces lois. « Il est essentiel de renforcer le droit au maintien dans les lieux des locataires et de protéger adéquatement le parc de logements locatifs qui est lentement mais sûrement converti en copropriétés », souligne Isabelle Monast-Landriault. Dans le cas des reprises de logement, le RCLALQ revendique une indemnité automatique, à verser aux locataires, équivalente à douze mois du loyer médian de la région, en sus des frais de déménagement et de branchement des services. Dans le cas des évictions pour fins de subdivision, d’agrandissement ou de changement d’affectation, un resserrement des règles à la Régie du logement doit traquer les abus et mieux protéger les locataires en place. Le RCLALQ revendique ultimement l’interdiction de toute éviction et le respect du droit au maintien dans les lieux des locataires.
Dans le cadre de la Campagne Assez d’être mal-logé.e.s du RCLALQ, le RCLALQ continuera d’insister auprès du ministre Pierre Moreau pour la mise en place de mesures afin de renforcer le droit au maintien dans les lieux des locataires.