Dans un récent article publié dans La Presse+, Pierre-Yves McSween laisse entendre que les principaux responsables de l’état lamentable du parc de logements locatifs du Québec seraient certaines institutions, dont la Régie du logement, qui alourdiraient le fardeau des rénovations pour les propriétaires et les empêcheraient de rentabiliser leurs investissements.
Dans son texte, pas un seul mot sur les obligations légales des propriétaires ni sur la logique malsaine qui fait du logement un simple secteur d’investissement devant être rentabilisé au maximum, et ce, au détriment des locataires.
Un logement en bon état : une obligation du propriétaire
En vertu du Code civil du Québec, les propriétaires immobiliers ont des obligations quant à l’état des logements : faire les réparations nécessaires, maintenir le logement en bon état d’habitabilité, respecter les exigences minimales relativement à l’entretien, à la sécurité et à la salubrité d’un immeuble. Aucune considération économique ou réglementaire ne devrait justifier ces manquements. Est-il nécessaire de rappeler qu’un logement insalubre met en danger la santé des locataires ?
La Régie du logement n’empêche pas les hausses abusives de loyer
Ensuite, concernant les règles de la Régie du logement liées aux dépenses de travaux majeurs, il est surprenant de voir monsieur McSween reprendre mot à mot les arguments des lobbies de propriétaires immobiliers en affirmant qu’il faudra plus de 40 ans pour qu’un propriétaire puisse avoir un retour sur son investissement.
La base de ce raisonnement est erronée. Le taux d’ajustement prévu par la Régie du logement dans le cas de dépenses d’immobilisation n’a strictement rien à voir avec un amortissement de cette dépense sur un nombre d’années. Ce taux est plutôt fixé en fonction de la moyenne des taux d’intérêt sur les certificats de placements garantis, moyenne qui est majorée de 1 % dans le but d’inciter les propriétaires à investir sur leur immeuble. Ainsi, si cette année la Régie permet aux propriétaires qui ont fait des travaux majeurs de récupérer en augmentation de loyer 2,4 % des sommes investies, c’est parce que la moyenne des taux d’intérêt est de 1,4 %.
Si on recule de quelques années, à une époque où les taux d’intérêt étaient plus élevés, ce taux de récupération atteignait régulièrement les 10 %. À cette époque, nous n’entendions jamais les propriétaires se plaindre que leur investissement serait entièrement récupéré en seulement dix ans! Et évidemment, à l’échéance de ces dix années, le loyer des locataires concernés n’était pas diminué. La hausse calculée par la Régie du logement relativement à une dépense de travaux ou d’améliorations majeures fait partie intégrante du loyer.
En fin de compte, il s’agit d’un faux débat puisque la Régie du logement n’empêche en rien la flambée des loyers. Annuellement, le tribunal fixe moins de 0,5 % des loyers du Québec. Ainsi, l’écrasante majorité des loyers échappe au contrôle de la Régie du logement. Concrètement, les propriétaires ne se soucient guère des règles. Ils tirent plutôt profit d’un rapport de force qui est tout à leur avantage pour hausser abusivement les loyers.
Quoique puissent laisser entendre monsieur McSween et les lobbies de propriétaires, l’immobilier demeure un secteur lucratif. Selon la Fédération des chambres immobilières du Québec, entre 2003 et 2013, le prix moyen de vente d’un triplex a augmenté de 99 % à Montréal et de 172 % à Québec. Aussi, selon les chiffres de la SCHL, depuis le début des années 2000, les revenus de loyer augmentent en moyenne de 3 % annuellement. Si on ajoute à cela les nombreux avantages fiscaux dont disposent les propriétaires immobiliers, il est fort questionnable de vouloir faire passer les propriétaires négligents comme de pauvres victimes du système.
Que faire contre l’insalubrité?
Appelons un chat, un chat : un propriétaire immobilier qui loue un logement insalubre est un propriétaire délinquant. Il faut le contraindre à respecter ses obligations. Actuellement, autant la Régie du logement que les autorités municipales et provinciales échouent à protéger convenablement les locataires face à l’insalubrité. Le gouvernement du Québec doit mettre fin au laxisme en adoptant un code provincial du logement qui aura suffisamment de dents pour contraindre les propriétaires à respecter les normes minimales quant à l’entretien et à la salubrité des logements.