Montréal, le 1er juillet 2018. La saison des déménagements qui cogne à nos portes au Québec est synonyme d’importantes hausses de loyer pour les locataires du Québec. Les hausses seront tout particulièrement marquées pour les 200 000 ménages locataires qui changeront d’adresse cet été. Selon le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), puisque le Québec n’a ni contrôle obligatoire des loyers ni registre des loyers, nombreux sont les propriétaires qui augmentent abusivement le prix de leur logement lors des déménagements.
Chaque année, un nombre ridiculement bas de loyers sont fixés par la Régie du logement à la suite d’une contestation (0,3 % de tous les loyers pour 2016-2017). Les raisons qui expliquent cette absence de contrôle par la Régie sont multiples. D’abord, peu de locataires contestent les augmentations proposées par leurs propriétaires, soit par peur de représailles, soit par ignorance de la loi, soit parce que l’avis de renouvellement de bail induit volontairement les locataires en erreur. Bien que beaucoup d’augmentations soient le résultat d’une négociation entre les parties, les propriétaires détiennent le gros bout du bâton. « Sans contrôle obligatoire des loyers (comme en Ontario, par un pourcentage s’appliquant à l’ensemble des loyers), les locataires doivent tenir tête à leur propriétaire alors qu’ils n’ont pas les renseignements nécessaires pour juger si la hausse demandée est légitime ou non », affirme le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard.
Ensuite, lors des déménagements, les nouveaux locataires ont la possibilité de faire fixer leur loyer s’ils jugent que la hausse est trop élevée, mais leurs recours sont faibles puisqu’ils n’ont que rarement accès à l’ancien prix payé pour le logement. «L’information est souvent absente du bail, et si elle s’y trouve, il est très difficile de la valider, à moins de retrouver les anciens locataires ou une copie de leur bail. C’est pour cette raison qu’il est essentiel de créer un registre des loyers, pour permettre aux locataires de faire fixer leur loyer en toute connaissance de cause », réclame M. Roy-Allard.
Absence de contrôle
Ce sont donc les locataires qui subissent les contrecoups de cette absence de contrôle. Selon le tout dernier recensement de Statistique Canada, près de 34 % des ménages locataires du Québec accordent plus de 30 % de leur revenu pour se loger. La situation est encore pire pour les quelque 200 000 ménages qui engloutissent plus de la moitié de leur revenu au paiement du loyer.
Pour ces locataires, nul autre choix que de couper dans leurs besoins de base pour arriver à payer le propriétaire chaque 1er du mois. Les comités de logement ne comptent plus les histoires de locataires qui leur rapportent leur misère au quotidien en raison du coût du loyer : devoir réduire le budget consacré à la nourriture et faire des visites régulières dans les banques alimentaires ; baisser le chauffage en hiver (et geler) pour limiter les frais de chauffage ; vivre dans un logement beaucoup trop petit pour les besoins du ménage afin d’économiser quelques dollars ; se faire expulser en raison du retard à payer le loyer après une perte d’emploi, etc.
« Bien qu’il n’y ait pas de pénurie de logements actuellement au Québec, nous faisons face à une véritable pénurie de logements abordables, ce qui a comme impact de pousser les ménages locataires à faible revenu un peu plus loin dans le cercle vicieux de la pauvreté », se désole le porte-parole du RCLALQ.
Les associations de propriétaires affirment de leur côté que les loyers payés au Québec sont trop bas et qu’ils ne leur permettent pas de rentabiliser leur achat assez rapidement. Ce discours trompeur évacue toutefois un élément central de l’équation : c’est la spéculation immobilière qui pousse artificiellement la valeur des immeubles vers le haut. Il n’est pas rare de voir doubler ou tripler le prix des immeubles en l’espace de quelques années. Or, spéculer sur un besoin de base comme le logement a nécessairement des impacts ravageurs sur les moins nantis.
Un contrôle obligatoire des loyers et un registre viendraient justement contrecarrer en partie la spéculation immobilière en plus de garantir un meilleur accès au logement. Ces mesures éviteraient en effet de pouvoir vendre les immeubles en fonction du potentiel du prix des loyers, mais plutôt en fonction de leur prix actuel. Jumelé à diverses règles fiscales venant restreindre la spéculation, cela aurait pour impact de limiter les prix de revente gonflés, mais aussi de faire obstacle aux évictions de locataires dont l’objectif est d’augmenter la valeur de l’immeuble.
« Les milliers de locataires qui déménageront autour du 1er juillet sont donc les premières victimes d’une économie spéculative qui place le profit avant les besoins humains. Il importe de revoir nos priorités et de mieux protéger les droits des locataires en nous dotant collectivement d’un contrôle et d’un registre des loyers », selon le porte-parole, Maxime Roy-Allard.