Lettre au ministre des Finances, Éric Girard
Ces jours-ci à l’Assemblée nationale, le projet de loi 3 est étudié par la Commission des finances publiques. Ce projet de loi vise l’instauration graduelle d’un taux unique de taxation scolaire à l’ensemble des régions du Québec. Dans les faits, comme l’a présenté le ministre des Finances Éric Girard en conférence de presse le 6 décembre dernier, l’objectif principal est de réduire le fardeau fiscal des contribuables ainsi que de mettre un terme aux iniquités régionales.
Si les intentions du ministre Girard sont effectivement de remettre de l’argent dans les poches de l’ensemble des contribuables, un important problème saute aux yeux : comment faire bénéficier des baisses de taxes aux locataires ?
En conférence de presse, le ministre des Finances était clair à ce sujet : « L’effet direct, c’est pour les propriétaires, c’est indéniable. Et puis nous visons un effet indirect via les loyers, ou moins de hausses de loyer, ou même des baisses de loyer. […] Les baisses de taxes scolaires sont pour les propriétaires, puis on souhaite que les locataires en bénéficient ».
Les locataires doivent donc également en bénéficier, selon le ministre. Or, nous savons déjà que le modèle actuel ne permet pas que de tels souhaits se réalisent. Actuellement, pour les baisses de taxes scolaires de l’année 2018-2019 décrétées par l’ancien gouvernement, les associations de propriétaires font activement campagne pour ne pas faire bénéficier des baisses de taxes aux locataires. Selon elles, les loyers n’augmentent pas assez rapidement au Québec, ce qui rendrait difficile l’entretien du parc de logements locatifs. Or, cet argumentaire fallacieux oublie volontairement de mentionner les nombreux avantages fiscaux dont jouissent les propriétaires d’immeubles lorsque d’importantes dépenses sont effectuées.
De plus, ces associations n’en ont que pour le prix des loyers, pas assez rentable à leurs yeux, mais elles ne mentionnent jamais la forte spéculation immobilière qui frappe le marché de l’habitation, principale responsable de la hausse marquée du prix des immeubles et, conséquemment, des hypothèques. Au final, elles regardent le problème à l’envers en s’attaquant aux locataires qui paient les loyers les plus bas, qui sont aussi souvent les locataires les plus vulnérables (les locataires aînés qui habitent depuis longtemps leur logement, notamment).
Si le ministre Girard veut que les baisses de taxes bénéficient à tout le monde, il devra convaincre ses collègues d’instaurer un véritable contrôle des loyers. Sans contrôle obligatoire, comme cela existe en Ontario, ses souhaits demeureront vains. Ainsi, 40% de la population (proportion de locataires au Québec) ne verra jamais la couleur de cet argent. Pourtant, cela pourrait grandement aider les 457 375 ménages locataires qui accordent plus de 30% de leur revenu au paiement du loyer et encore plus les quelques 200 000 qui y engloutissent plus de la moitié de leur budget.
Un vrai contrôle des loyers rendrait obligatoire les indices d’augmentation de loyer publiés par la Régie du logement chaque année en janvier. Une baisse marquée de taxes viendrait influencer ces pourcentages, ce qui permettrait ainsi aux locataires d’en bénéficier. Si un propriétaire croit qu’il a droit à une hausse de loyer plus importante (suite à des rénovations majeures, par exemple), il devra s’adresser à la Régie du logement qui fixera alors le nouveau loyer. Seul un tel système rendrait justice aux locataires. Il permettrait de contrer les hausses abusives de loyer qui poussent trop souvent les locataires hors de leur logement, mais jouerait également un rôle important pour les limiter les dégâts lorsque le marché locatif est tendu et qu’une crise du logement est imminente, comme c’est le cas aujourd’hui au Québec.