Montréal, le 4 avril 2019. Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), le Collectif pour un Québec sans pauvreté, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) et l’Association des juristes progressistes (AJP) réclament à l’unisson une véritable réforme de la Régie du logement. Alors que la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a récemment déposé un projet de loi sur la Régie, le RCLALQ et ses alliés lui demandent d’aller encore plus loin en transformant le tribunal pour qu’il soit réellement juste et accessible pour les locataires.
Le RCLALQ mène actuellement la campagne « Justice pour les locataires : Réformons la Régie du logement », appuyée par plus de 150 organisations et plusieurs milliers de citoyenNEs. « La ministre Andrée Laforest doit refaire ses devoirs et proposer des mesures concrètes pour favoriser l’accès à la justice et pour mieux protéger les droits des locataires », réclame le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard. Le RCLALQ a par ailleurs élaboré sa propre réforme de la Régie qui contient l’ensemble des changements réclamés.
Un tribunal et des lois qui encouragent la pauvreté
Les expulsions de logement pour cause de non-paiement de loyer concernent en moyenne 60% des dossiers ouverts à la Régie. Le traitement de ces dossiers ne laisse que peu de marge de manœuvre aux locataires, la seule option pour éviter l’expulsion étant le paiement complet de la dette avant que le tribunal rende sa décision. « La Régie devrait prendre en compte les motifs de non-paiement des locataires. Elle devrait aussi proposer des ententes de paiement avant d’autoriser les expulsions. L’expulsion d’une personne de son logement pour non-paiement ne fait qu’aggraver ses problèmes de pauvreté » s’indigne Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté.
Plus de ressources pour de meilleurs services
Malgré l’ajout de crédits supplémentaires pour la Régie du logement dans le dernier budget provincial, les multiples restrictions budgétaires des gouvernements précédents ont contribué à allonger les délais, déplore le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ). Les délais d’attente « excessifs » n’ont rien de nouveau, mais sont plutôt un problème structurel soulevé à de nombreuses reprises au cours des dernières années.
Pour le SFPQ, la cause de ce problème est simple : le gouvernement précédent n’a pas consacré les ressources financières et humaines nécessaires pour que ce tribunal puisse traiter le flux volumineux de dossiers. Au cours des quinze dernières années, le nombre d’employéEs représentéEs par le SFPQ à la Régie du logement a diminué de 25 %, passant de 175 à 140. Quant au nombre de juges, la dernière augmentation date de 2012. La réduction du personnel a aussi un impact direct sur l’accessibilité aux bureaux de la Régie : le service au comptoir est fréquemment interrompu dans certains points de service de l’Est-du-Québec, de l’Abitibi-Témiscamingue et du Saguenay – Lac Saint-Jean.
Le SFPQ salue l’annonce de rehaussement des effectifs de la Régie du logement annoncé par le gouvernement. Elle devrait permettre de rétablir la situation qui prévalait avant les compressions. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais le SFPQ espère que le gouvernement aura la flexibilité d’ajuster ces ressources à la hausse si les dossiers déjà accumulés ne déclinent pas assez rapidement pour permettre un retour rapide à des délais de traitement raisonnable. « Pour le SFPQ, une réflexion plus large devrait s’engager pour donner à la Régie du logement la capacité de réellement protéger tous les locataires du Québec. Le rôle d’information de la Régie doit être remis de l’avant étant donné que de trop nombreux citoyens ignorent toujours leurs droits. Cela doit passer par l’élargissement de son mandat et de sa présence sur le territoire québécois », explique Christian Daigle, président général du SFPQ.
Revoir l’accès à la justice pour les locataires
Dans la foulée des discussions entourant une réforme de la Régie du logement, l’Association des juristes progressistes, dont plusieurs de ses membres œuvrent en droit locatif, invite le gouvernement à favoriser l’accès à la justice. Une grande part des personnes recourant au tribunal ne sont pas représentées par avocat. Par conséquent, l’AJP en appelle à éviter de complexifier les procédures judiciaires et prône plutôt des solutions favorables à l’autonomisation des justiciables. Par exemple, en renforçant le rôle d’assistance des juges administratifs ou en élargissant les catégories de personnes pouvant représenter ou assister des locataires durant les audiences.
Maintenant que la table est mise pour une réforme de la Régie du logement, Me Daniel Crespo rappelle la raison d’être de ce tribunal spécialisé : « Il ne faut pas perdre de vue l’asymétrie de pouvoir qui existe entre propriétaires et locataires. C’est justement dans le but de rétablir l’équilibre dans cette relation que la Régie du logement a vu le jour. La réforme à venir doit réorienter la Régie vers cette voie négligée depuis trop longtemps et assumer une plus grande protection des droits des locataires ».
Le RCLALQ continuera la pression envers la ministre Laforest jusqu’à l’obtention d’une réelle réforme de la Régie du logement. Plusieurs centaines de locataires manifesteront à Québec le 24 avril pour la Journée des locataires et une pétition rassemblant plusieurs milliers de signatures sera déposée ce printemps à l’Assemblée nationale.