Des centaines de personnes ont manifesté au centre-ville de Montréal cet après-midi, à l’appel des groupes membres de Montréal du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), du Regroupement des comités logement et associations de locataire du Québec (RCLALQ) et du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes du Québec (RAPSIM), pour exiger des candidats et des candidates en lice à la mairie de Montréal des engagements clairs et ambitieux pour le développement du logement social, contre l’effritement du parc de logements locatifs encore abordables et pour un plan solide de lutte à l’itinérance. Plusieurs autres organismes communautaires se sont joints à la manifestation qui a pris fin devant l’hôtel de ville. Pour lancer cette journée de mobilisation, tôt ce matin des bannières interpellant Valérie Plante et Denis Coderre ont été déroulées devant les bureaux officiels de leurs partis.
Dans les dernières années, les atteintes au droit du logement des locataires montréalais se sont multipliées, dénoncent les organismes. Hausses de loyer abusives, évictions illégales, logements insalubres, harcèlement, intimidation et discrimination affectent particulièrement les ménages à faible et à modeste revenus. Le contexte de financiarisation et d’accélération de la spéculation immobilière a accentué le mal-logement à Montréal. Le nombre de ménages locataires sans logis accompagnés par la ville autour de la période des déménagements a été de 369 cette année, et cela prend des semaines avant qu’ils soient relogés. Le FRAPRU, le RCLALQ et le RAPSIM rappellent que le manque de logements sociaux et l’effritement du parc de logement locatif encore abordable contribuent à ce que la crise du logement s’enracine.
Les quelques avancées de l’administration sortante dont l’obligation d’inclusion de logements sociaux dans les projets de développements immobilier, l’utilisation du droit de préemption et l’augmentation importante des sommes investies dans l’acquisition de sites pour du logement social sont cependant loin d’être suffisant pour régler la crise selon eux. « Si des politiques plus ambitieuses ne sont pas mises en œuvre rapidement par la prochaine administration, la situation risque de se détériorer », martèle Maxime Roy-Allard, porte-parole du RCLALQ.
Des loyers qui ont explosé et effrité l’abordabilité
De 2015 à 2020, le loyer moyen est passé de 735$ à 882$, soit une hausse de 20% en seulement 5 ans. Les 3 regroupements rappellent que près de 180 000 ménages locataires montréalais paient plus de 30% de leur revenu pour se loger et ont un revenu médian annuel de 18 800$. « Les loyers augmentent plus rapidement que l’inflation. Les locataires ayant de bas loyers subissent énormément de pression pour quitter leur logement. Il est inacceptable de ne pas mieux protéger les locataires contre les abus et la spéculation », souligne Maxime Roy-Allard, porte-parole du RCLALQ. « Il faut cesser de protéger les intérêts privés et garantir un logement décent à tous et toutes », ajoute-t-il. Malgré leur annonce de la mise sur pied d’un registre des loyers à Montréal, Denis Coderre et Balarama Holness doivent clarifier les moyens qu’ils comptent prendre pour sa mise en application. Les regroupements demandent à ce qu’ils s’engagent, tout comme Valérie Plante, à le mettre en application dès le début de leur mandat. « La situation est critique et il n’est plus possible d’attendre », rappelle monsieur Roy-Allard.
Cette situation ajoutée au manque de ressources adaptées aux besoins des personnes en situation d’itinérance à Montréal contribue grandement à l’itinérance. La disparition des maisons de chambres, qui sont souvent un dernier rempart avant la rue, est décriée depuis des décennies par les trois regroupements. « Elles continuent à fermer et à être transformées en logements trop chers au détriment des personnes qui y trouvaient un milieu de vie. Il faut tout mettre en place pour protéger les maisons de chambres et favoriser activement leur socialisation », indique Annie Savage, directrice du RAPSIM. Le RAPSIM rappelle que la situation de l’itinérance à Montréal est critique: l’itinérance visible est en hausse et le manque de réponses adaptées aux besoins des personnes est criant. « Pour répondre à la diversité des besoins, il faut notamment davantage d’hébergements communautaires et d’urgence dignes et à bas seuil d’accessibilité, de travailleurs et de travailleuses de rue ainsi que de logement social avec soutien communautaire, et ce, dans tous les quartiers. Il faut arrêter de vouloir constamment invisibiliser et déplacer les personnes en situation d’itinérance, ce qui ne va en aucun cas régler la situation », précise Mme Savage.
Près de 24 000 ménages sont déjà en attente pour un logement à loyer modique à Montréal, rappellent également les regroupements ayant organisé la manifestation. « Si les partis souhaitent véritablement répondre à la crise du logement, ça ne passe pas par le développement de logement dit « abordable », insiste Catherine Lussier, organisatrice communautaire au FRAPRU. « Le logement social, sous forme de logements à loyers modiques, de coopératives ou d’organismes sans but lucratif d’habitation, est le seul logement dont l’abordabilité est pérenne à long terme. Il n’est pas soumis aux lois du marché comme une bonne partie de ce qu’on présente comme du logement abordable et garantit une sécurité d’occupation », rappelle-t-elle. Pour le moment, seulement Projet Montréal a pris un engagement chiffré, dans sa plateforme dévoilée hier, pour le développement d’au moins 2000 logements sociaux par année. Le FRAPRU est déçu qu’Ensemble Montréal et Mouvement Montréal n’aient toujours pas fait de promesses en ce sens. Les trois regroupements demandent aux partis politiques de faire preuve d’ambitions dans leurs engagements, rappelant qu’il leur reste un mois pour le faire.
Le FRAPRU, le RCLALQ et le RAPSIM interpellent donc les candidats et les candidates afin qu’ils prennent des engagements pour le développement de 22 500 logements sociaux en 5 ans, en mettant tout en œuvre pour freiner dès leur début de leur mandat les hausses de loyers, les évictions et l’insalubrité des logements et en protégeant les maisons de chambres. La prochaine administration municipale doit aussi selon eux poursuivre les pressions auprès des gouvernements supérieurs pour obtenir toutes les sommes nécessaires pour le développement d’un nombre suffisant de logements sociaux, ainsi que pour un soutien communautaire adéquat dans les projets qui en nécessitent. « Sans des objectifs ambitieux et des mesures structurantes, aucun parti ne peut prétendre répondre à la crise du logement vécue par les locataires. Pour que la ville soit réellement résiliente, elle doit s’assurer que les ménages mal-logés ne seront pas laissés derrière », conclut Catherine Lussier.