30 000 annonces, dont 79 % sont illégales
Québec, le 28 mars 2023 – Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) dévoile aujourd’hui le rapport La démesure Airbnb: Un saccage du parc locatif québécois, qui présente le tout premier dénombrement des annonces offertes sur la plateforme Airbnb pour l’ensemble du territoire québécois. Le rapport, réalisé en collaboration avec un groupe de chercheuses et chercheurs universitaires, révèle qu’en date de février 2023, il y avait 29 482 locations offertes sur Airbnb au Québec, dont 23 245, soit 79 %, n’étaient pas certifiées.
« 23 245 : c’est le nombre d’annonces illégales qu’Airbnb doit retirer au Québec, car elles ne présentent pas de numéro d’enregistrement. Est-ce qu’Airbnb respectera ses engagements à long terme? Il est permis d’en douter, considérant le mépris total pour les lois et réglementations affiché par la multinationale un peu partout à travers le monde depuis sa création. Mais au-delà de la proportion d’annonces illégales, c’est l’ampleur du phénomène lui-même qui frappe », observe Cédric Dussault, co-porte-parole du RCLALQ.
Si les données du rapport sont alarmantes, le portrait est encore plus sombre quand on considère qu’elles ont été récoltées en basse saison touristique. En effet, une récolte réalisée au cours des derniers jours dans les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie nous montre une augmentation considérable : le Bas-Saint-Laurent passe de 829 logements en location à 1590 (+91 %) et la Gaspésie de 848 à 1078 (+27 %). Ces chiffres sont appelés à croître davantage à l’approche de la saison touristique.
« Notre analyse se fonde sur un portrait conservateur pour montrer toute l’emprise qu’a une plateforme comme Airbnb sur le parc locatif québécois. Une immense majorité (90 %) des offres de location sont des logements entiers, et s’ils sont offerts en location touristique à cette date-ci, c’est probablement parce qu’ils le sont à l’année longue. 29 482 logements loués sur Airbnb, c’est presque autant de logements retirés du marché traditionnel. Et il y en a certainement beaucoup plus, parce qu’on ne parle ici que de la locomotive Airbnb; il y a d’autres plateformes, comme VRBO ou Marketplace, pour afficher de la location de courte durée », soutient Cédric Dussault.
Le rapport montre qu’aucune région n’est épargnée, les offres de locations de la plateforme étant présentes dans 878 municipalités du Québec. À plusieurs endroits, la proportion de logements locatifs mis en location sur Airbnb, comparé au nombre total de logements locatifs, dépasse (parfois très largement) le taux d’inoccupation local. Dans Charlevoix et les Laurentides, cette proportion dépasse les 3 %. Cette proportion est même totalement démesurée dans des petites municipalités comme Saint-Férréol-les-Neiges (22 %), Saint-Adolphe-d’Howard (17,4 %) et Mont-Tremblant (13,7 %); dans certains quartiers de Montréal ou Québec comme le Faubourg Saint-Laurent (11,7 %), le Plateau (3,1 %), Peter McGill (4,1 %) Saint-Roch (5,3 %) et Saint-Émile (3,4 %)).
« Ces chiffres montrent noir sur blanc qu’à elle seule, Airbnb est responsable d’une part importante de la pénurie de logements. Dans la plupart des régions, si les logements loués sur Airbnb n’avaient pas été perdus à l’hébergement touristique, le taux d’inoccupation serait en équilibre ou au-dessus du seuil d’équilibre », fait valoir le co-porte-parole du RCLALQ.
Le rapport montre toutefois qu’il n’y a pas nécessairement de lien entre la proportion d’annonces illégales dans une région et l’accaparement du logement à des fins de location à courte-durée. Dans Charlevoix par exemple, 31,2 % des logements sont possédés par seulement cinq hôtes, mais la grande majorité de ces unités sont certifiées et donc légales.
« La certification ne règle pas tout. Le cœur du problème, ce n’est pas l’illégalité, mais la transformation du parc locatif à des fins touristiques. On parle ici de locataires évincé.e.s en toute légalité pour louer leurs logements à des touristes, ou d’investisseurs qui achètent des logements dans le seul but de les louer sur Airbnb. Légales ou pas, les plateformes comme Airbnb sont un fléau qui aggrave fortement la crise du logement », martèle Cédric Dussault.
Le RCLALQ appelle le gouvernement du Québec et la ministre du Tourisme Caroline Proulx à interdire la location de courte durée dans toute résidence et les plateformes de location numériques comme Airbnb. À défaut d’une interdiction complète, le RCLALQ propose également plusieurs autres mesures pour limiter les effets nocifs de ces plateformes, comme l’interdiction de l’usage touristique commercial du parc locatif et l’abrogation de l’article du Code civil du Québec qui permet l’éviction de locataires pour changement d’affectation.